Un peu de mon vécu autour de la confection du pain maison citadin du terroir bônois au four , khobz eddar ou khobz koucha bônois à l'eau des cendres.
Khobz eddar ou khobz koucha m'bassess . Pain bônois citadin brioché INEDIT , et sa confection sont un moment privilégié pour les vieilles familles bônoises et important car le pain allait au four du coin où résidaient ces familles et il fallait que le pain soit beau , il y va de la réputation de ladite famille.
Façonné en maassems ( baguettes dodues typiques bônoises ) ou en grandes et grosses galettes dodues en petits pains pour les tables de fêtes, toujours à la semoule et toujours parfumé de fleur d'oranger ou de mahlepi ( mahleb ) et toujours pétri au beurre frais.
La fabrication du pain reste un moment important de la journée, le levain était préparé maison car il n'y avait pas de levure, il était élevé et la portion enlevée était remplacé chaque jour la vielle,
Pour décorer notre pain, on rivalisait de qui possédait les plus beaux marchems ( sceau du pain ) on en avait en bois et ceux piqués de clous avec des formes et des dessins typique à chaque famille, le sceau du pain ou marchem, que l'on posait sur le pain pour le marquer , au centre et sur toute la circonférence car généralement les pains maison sont briochés ( khobz dar mbassess )
Le pain ainsi cajolé pétri avec amour et couvert de grands torchons par dessus maman posait des peaux de mouton pour l'aider à mieux pousser en hiver
Il était porté à cuire chez le boulanger dans de grands plateaux en en tôle de fer noirci par les cuissons et les fours, il y avait toujours la part de l'éventuel client de la boulangerie ou du passant dans la rue car nos pains embaument l'atmosphère.
Nos pains sont d'une finesse et d'un goût incomparable.
On ne jetait jamais le pain, rassis, on le ramassait lorsqu'on le trouvait jeté dans la rue, on l'embrassait en le portant sur notre front car c'est un sacrilège que de jeter du pain, le pain est une bénédiction de Dieu sur sa terre et ses hommes disait grand mère, le jeter peut nous faire subir le courroux d'Allah, neemet rabi.
Héritage ottoman ce pain brioché et ces marchems ( sceaux du pain ) en bois sculpté qui servaient à marquer le pain et chaque famille avait son propre sceau, parfois ils étaient piqués d'une sorte de clous, ainsi, on ne pouvait pas nous tromper lorsqu'on allait récupérer nos pains de la boulangerie.
Les familles modestes décoraient leur pains à leur manière.
Comme beaucoup d'autres ustensiles en cuivre, les kazans et les 3mayers ( marmites et chaudrons en cuivre martelé et étamé, tout comme el qaleb pour bougie ( moules pour bougies , les testums ( tajine en argile en forme de dômes dans lequel on plaçait des débris d'ustensiles en terre cuite cassés et que l'on posait sur des braises pour le chauffer, puis on posait la galette sur les débris d'argile chauffés et on posait pour finir le couvercle en dôme un peu aplati sur lequel on plaçait des braises pour cuire le pain comme dans un four,
on utilisait le tajine lemjemer pour le matlou3 ( tajine terre cuite grenu )
Parfois les dessins sont crées sur place sur une inspiration du moment par nos mamans car au fil du temps les marchems en bois sont vermoulus et non remplacés du fait de la disparition de beaucoup de métiers et d'artisans.
Pour ce pain particulier avec le reste de pâte ) baklawa:
Lorsqu'il reste de la pâte à baklawa qui est préparée avec l'eau des cendres, traditions ancestrales et héritage turc ottoman, grand mère l'ajoutait à notre pâte de pain et on pétrit, le pain est incomparable de moelleux et les saveurs des mille et une nuit.
Pour parfumer ses pains, maman utilise toujours de la fleur d'oranger, du mahlepi ( mahleb ), il faut savoir aussi que le pain à la semoule a une mie plus dense que celui à la farine, il se conserve mieux et sa chapelure est superbe. Le pain fait de semoule, demande du pétrissage et du repos, c'est ce qui fait sa réussite .
Ingrédients
800 g semoule fine de blé dur
100 g de farine si la semoule manque de gluten
20 g de levure instantanée
10 g de sel
1 cc de sucre
3 cs de lait en poudre
30 g de levure instantanée ou levain
2 cs de poudre de lait pour plus de moelleux, facultatif
120 g de beurre fermier pour le pétrissage
50 ml d'huile neutre
1 cs de grains de sésame et nigelle mélangés
2 cs de vinaigre
arôme , 1/4 de cc d'essence de fleur d'oranger, ou 1 pincée de mahlepi ou 2 cc de grains d'anis, l'un ou l'autre
2 œufs,
800 ml d'eau des cendres qui restait de la préparation de la pâte à baklava, utiliser de l'eau tiède à défaut
Levain de maman à élever une semaine auparavant
300 ml d'eau tiède
1 cs de miel
200 g de farine ou semoule
Préparation du pain
Mélanger semoule et farine, la poudre de lait, mahleb , les grains de sésame et nigelle à sec,
faire une fontaine puis verser l'huile, les œufs, le sel , travailler en ajoutant de l'eau des cendres progressivement en travaillant le tout afin d'obtenir une pâte homogène et molle, une bonne semoule absorbe !
laisser reposer 1/2 heure environ au moins.
la pâte aura doublé de volume en principe,
la dégazer et travailler 5 mn, rouler en boule et placer au frigo 15 mn, le froid aide à une pousse lente et raffermi la pâte
reprendre la pâte et la pétrir avec le vinaigre avec le beurre longuement, il faut des muscles ou un pétrin, jusqu'à ce que la pâte devienne souple , élastique et fasse des bulles, signe d'un bon pétrissage ,
Ajouter un des arômes cités et l'incorporer, pétrir une minute, mahlepi pour moi
Façonner la pâte à votre goût en torsades ou rond traditionnel ( pain rond épais )
et laisser reposer une 2 eme fois, elle doit doubler de volume, couvert de plastique ! Astuce de maman !
le four aura été préchauffé 15 mn au préalable avec un récipient d'eau au fond
la badigeonner de jaune d’œuf et l'enfourner à 220° pendant 30 à 40 mn environ.
four à surveiller.
L'eau des cendres était toujours disponible du temps de mémé car elle utilisait son brasero pour faire son café zezwa et ses plats mijotés .
Perso j'ai récupéré les cendres de chez ma maman pour réaliser ce pain comme à l'ancienne pour le faire connaitre.
Introduit par nos ancêtres ce pain est donc méconnu dans les zones rurales qui ne confectionnent que des galettes dures sans levain ni levure et pour garder leurs galettes fraîches , les femmes rurales en préparent deux fois la journée !
Le pain maison ou khobz eddar ou khobz koucha, sont des pains briochés citadins d'origine turque qui a été introduit par nos ancêtres turcs et comme on sait il y a eu des alliances de mariages avec les bônois de souche et les turcs et les ottomans.
Adopté et adapté aux habitudes culinaires des autochtones bônois où la pâte est souvent ramassée avec de l'eau des cendres qui sont tamisées une fois refroidies , placées dans de la toile de gaze ou de l'étamine puis trempées dans de l'eau,
cette eau est utilisée pour blanchir le linge ,et préparer la pâte à baklawa et gâteaux traditionnels de fêtes, tels que ktayefs, pâte de garn ghzel , samsa et bourek erranna .
Le pain à la farine n'est apparu que très tard dans la boulange bônoise traditionnelle maison, on l'ajoutait par petites quantités quand la semoule manque de gluten,
Le pain à la semoule reste le roi de notre boulange pour du pain des occasions officielles, religieuses et festives , on le prépare en quantité , une journée lui est réservé la veille de la cérémonie avec tantes et cousines qui arrivent quelques jours avant la fête pour aider, ce pain est ensuite envoyé à cuire dans de grands plateaux à la boulangerie du coin et ce sont les garçons de la maison qui sont astreint à cette besogne car les filles sont précieuses et vous ne les trouverez jamais dehors seules et sans raison !
En somme, il faut veiller à ce que vous ayez de la semoule ou de la farine riche en gluten ( eelk ), qui absorbe l'eau ou tout autre liquide tel que le lait, n'hésiter pas à faire des tests avec une petite quantité ( 1 cs de semoule ou farine ) que vous mouillerez largement mais sans en faire une pâte à crêpe, la bonne semoule ou farine deviennent vite élastique avec un peu de travail tel du chewing-gum et reviennent sans coller lorsqu'on les étale ou roule!
Le pétrissage est essentiel, il est long et réalisé en plusieurs fois parfois.
J'ai utilisé du petit lait ( lactosérum ) que j'ai réservé en faisant mon fromage frais ( recette à venir ), ce fromage fait maison par nos aïeules frais ou secs réalisé pour de multiples mets traditionnels, le pain ou les viennoiseries n'en sont que plus aériens et légers, à chaque fois que je fais mon fromage, je filtre le sérum une fois séparé de la caséine, je le garde pour deux jours au frigo ou je le verse dans des bacs à glaçons que je congèle puis je les stocke dans des sacs de congélation pour mes usages en boulangerie ou viennoiserie, je ne fais pas souvent de fromage frais mais juste au besoin !
Pour rattraper une pâte qui n'absorbe pas, ajouter une poignée de bonne farine pour boulange, travailler et laisser reposer plus longtemps , pétrir et former votre pain, laisser pousser avant d'enfourner cela va de soit !
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